Bienvenue dans la bibliothèque des ADDC ! Aujourd’hui, nous sommes ravis de vous présenter notre tout premier coup de cœur littéraire dans cette nouvelle rubrique dédiée aux lectures inspirantes autour du développement durable. Et on commence avec ce livre, « Recyclage, le grand enfumage », de Flore Berlingen.
Pour tenter de préserver notre planète, on nous vante les vertus du recyclage, mais la réalité est bien différente. Envie d’en savoir plus ? Dans son livre paru en juin 2020 aux éditions Rue de l’Echiqiuer, Flore Berlingen, ancienne directrice de l’association Zero Waste France, vous dévoile les coulisses de ce système. Ce court livre révèle les illusions et les limites du recyclage moderne. Contrairement aux déchets, ici, il n’y a rien à jeter !
Et bonne nouvelle, il est disponible à la bibliothèque de Courbevoie !
Les principaux points à en retenir :
L’instrumentalisation du recyclage
Le recyclage est indispensable, mais insuffisant et parfois même contre-productif. Les industriels cherchent à recycler des produits qui ne devraient même pas exister comme les objets à usage unique. En réalité, même triés, une grande partie d’entre eux ne sont pas recyclés. Les industriels cherchent à faire croire que grâce au recyclage ce type de consommation peut devenir soutenable. C’est un mensonge.
Recyclable ne veut pas dire recyclé
Même si la technologie existe, il faut déjà pouvoir distinguer la matière à recycler dans les centres de tri puis que le procédé soit disponible et mis en œuvre à l’échelle industrielle, ce qui peut ne pas être le cas pour cause de rentabilité financière : coût de mise en œuvre, manque de débouchés ou mauvaise qualité du produit en sortie.
Cette identification des matières est clé et les producteurs n’en tiennent pas toujours compte quand, par exemple, ils ont changé leurs bouteilles de lait par un emballage innovant qui permettait une substantielle diminution du coût de 20 à 30%. Ils ont vanté l’avantage environnemental de sa légèreté sans tenir compte qu’il perturbait les centres de tri qui ont dû investir pour arriver à les différencier et, faute de procédé spécifiques existants, ont dû les enfouir, les incinérer ou les intégrer dans les autres plastiques en dégradant la qualité de sortie…
L’impossibilité d’un recyclage à l’infini
L’économie circulaire du recyclage comprend des pertes, des dégradations de matériaux et de leurs propriétés qui les empêche de retrouver leur utilisation initiale, ce qui fait qu’un recyclage à l’infini n’est pas possible. Pour le plastique, on va rarement au-delà d’un cycle, la fibre de cellulose du papier peut être recyclée à 5 reprises dans des gammes de qualité à chaque fois inférieure. Pour le textile, seulement 1% redevient des vêtements. On devrait donc plus parler de décyclage que de recyclage.
Les impacts environnementaux
Le recyclage aussi utilise de l’énergie et a des impacts, par exemple, recycler du verre nécessite de chauffer à 1000°C (vs 1500°C pour le verre issu de matière vierge) et d’ajouter beaucoup de sable, qui est aussi un matériau de plus en plus en tension (quand on parle sable, on pense aux déserts et des réserves quasi infinie mais le sable du désert n’est pas adapté ni pour le ciment ni le verre). Le recyclage consomme également beaucoup d’eau dont on se rend compte combien elle est loin d’être inépuisable.
Le recyclage comme argument de vente
C’est la bonne excuse pour nous pousser à acheter plus, à renouveler plus fréquemment nos achats ! C’est par exemple le cas lorsque des marques offrent des bons d’achats en échange de vêtements rapportés pour du recyclage.
Des coûts externalisés
La gestion des déchets coûte 20 milliards par an dont plus de 14 milliards (70%) pèse sur les collectivités locales et seulement 1.2 milliards par les producteurs via les filières REP (REP : Responsabilité Elargie des Producteurs, une adaptation du principe de pollueur-payeur)
Des affirmations marketing abusives
Il faut se méfier des campagnes qui promeuvent des produits contenant une part de plastique recyclé car c’est souvent sur une petite gamme de produits donc un faible impact comparé à tous les flacons « classiques » que la marque vend. Ici, elle développe une stratégie marketing douteuse pour verdir son image et tromper le consommateur, c’est ce que l’on appelle du greenwashing…
Mettre la faute sur les consommateurs
Le DG de Nestlé affirme qu’ « aucun plastique ne devrait finir dans la nature ou dans une décharge » perpétue l’idée fausse que les plastiques ne sont problématiques que lorsqu’ils sont jetés, et donc que la faute retombe sur les consommateurs. Ainsi, le producteur déplace sa responsabilité environnementale sur les consommateurs au lieu de remettre en question ses propres pratiques.
Déperdition des matières nobles
Des métaux sont ajoutés en quantités infimes dans un nombre incalculable de produits (peinture, cosmétique, plastique,…) pour leur propriété colorante, stabilisante ou antibactérienne. Mais cela entraine leur dispersion irréversible car ils seront inséparables de la matière à laquelle ils ont été intégrée (ce serait comme vouloir récupérer le sel dans le pain). C’est le cas pour 20% du cadmium et 95% du titane. Même chose pour les alliages tellement variés qu’il n’est pas possible de monter des filières de recyclage, faisant tomber en dessous de 25% le taux de récupération de certains métaux.
Impacts des additifs
Ils sont nuisibles à la santé mais aussi au recyclage, comme les colorants qui ne peuvent être retirés et conduisent à avoir, par exemple, du plastique recyclé gris, ce qui limite ses usages, ou certains additifs non adaptés à des usages alimentaires ultérieurs.
Conclusion (et la méthode BISOU !)
Donc le recyclage est bien loin d’être une solution miracle car elle est loin d’une boucle infinie, elle permet juste une ou deux boucles supplémentaires avant de finir à la poubelle. De plus, comme l’apparition de nouvelles sources d’énergie (éolien, solaire…) n’a pas fait baisser la consommation d’énergie fossile (elles se sont empilées aux énergies existantes plutôt que de se substituer), il en va de même pour le recyclage qui ne fait pas baisser les extractions de matières premières.
Aussi, plutôt que d’investir dans des solutions de recyclage, ne vaudrait-il pas mieux investir dans des alternatives aux plastiques et autres produits jetables ? Et de notre côté, ne peut-on pas réduire notre consommation et ainsi nos déchets ? Car on nous vend que nos déchets sont des ressources alors que l’urgence est de ne pas faire de nos ressources des déchets.
Il faut donc optimiser sa consommation, réutiliser, réemployer, prolonger la durée de vie de nos vêtements, de nos équipements numériques et, quand on est sur le point de faire un achat, appliquer la méthode BISOU :
- B comme Besoin : à quel besoin cet achat répond-il chez moi ?
- I comme Immédiat : en ai-je besoin immédiatement ?
- S comme Semblable : est-ce que j’ai quelque chose de semblable qui pourrait faire l’affaire ?
- O comme Origine : quelle est l’origine de ce produit ?
- U comme Utilité : cet objet va-t-il m’être utile ?
Et n’oubliez pas, le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas !
Pour aller plus loin
Chaque jour, notre modèle de consommation montre ses limites et ses multiples impacts, tant sociaux qu’environnementaux, sont de plus en plus visibles. On vous conseille « The Story of Stuff », une vidéo sous-titrée en français de 20 minutes créée par Annie Leonard en 2007. Elle expose sur le mode de l’humour les impacts cachés de nos habitudes de consommation en suivant le cycle de vie des produits : extraction, production, distribution, consommation et élimination.
Devenue virale, elle est utilisée comme outil pédagogique pour sensibiliser aux questions de durabilité. Le message central est de remettre en question notre culture de consommation et d’encourager des actions concrètes pour un monde plus juste et durable. Pour en savoir plus et visionner la vidéo, visitez storyofstuff.org.